Sos Météores - CouvertureC’est au cours du rude hiver 1954 que naquit l’idée d’SOS Météores, sous intitulé “Mortimer à Paris”.
Les températures avaient atteint de telles extrémités qu’une bonne partie de la population était condamnée à rester cloitrée chez elle. Prisonnier de sa nouvelle maison de campagne, Jacobs n’échappait pas à la règle. Ajoutez à cela des rumeurs de rivalités partisanes autour de manipulations climatiques pour fournir à l’auteur la matière à un nouveau récit d’anticipation.
Dès les premières bases jetées, Jacobs partit repérer l’endroit le plus adapté aux expériences du Professeur Miloch. En étudiant un certain nombre de cartes d’Etat major, il choisit une zone proche de la vallée de la Bièvre, non loin de la ville de Jouy en Jossas. Un parcours photographique lui permit de retranscrire la région avec la rigueur quasi maladive qui faisait sa marque. Quant au Château de Troussalet, dans le parc duquel se perd le taxi de Mortimer, un hasard extraordinaire lui permit de découvrir un endroit similaire proche d’une départementale dans le même secteur.
Dans un second temps, afin de comprendre l’organisation des interventions de police en cas d’incident majeur, il se tourna vers l’un de ses camarades qui possédait des connections au Ministère de l’Intérieur, rue des Saussaies. Dans ses mémoires, Jacobs raconte l’anecdote suivante: tandis qu’il exposait son scénario au ministère, son interlocuteur écarquilla les yeux puis adopta un air mystérieux avant de le conduire à son chef. Jacobs recommença une seconde fois l’exercice devant le patron de la DST. Après avoir conclu sa présentation, ce dernier demanda, un peu décontenancé, l’avis du fonctionnaire qui lui répondit: “Non seulement ce n’est pas absurde… mais figurez vous que j’ai dans mon tiroir tout un dossier sur la question”.
Au delà de sa brûlante actualité, SOS Météores est un album notable à plus d’un titre. En premier lieu, les couleurs utilisées pour représenter les intempéries sont d’une rare efficacité. La première partie de cet album devrait être considérée comme un manuel du parfait petit coloriste. Autre détail amusant, la séquence de la poursuite avec Blake nous conduit le long de l’ancienne ligne de Sceaux, avant la reprise de son tracé par le RER B. On pourra sans doute déplorer que Jacobs n’ait pas accordé de plus grandes cases aux décors des stations de la ligne, et en particulier celle de Port Royal.
Enfin, l’album fleure bon ce climat de guerre froide, qui n’a jamais aussi bien porté son nom. Le professeur Miloch, au cours de son explication, fait allusion à “notre” et “votre” technologie facon indirect d’appuyer le clivage Est/Ouest omniprésent à l’époque.
Pour conclure, je dirai que si SOS Météores reste l’un de mes Blake et Mortimer préféré, c’est en grande partie pour l’ambiance qui s’en dégage dès les premiers instants.
Cela nous rappelle qu’avant cette série, nous devons aussi à Jacobs la mise en couleur des premiers Tintin et en particulier les incroyables scènes d’orage des Sept Boules de Cristal qui trouvent ici leur réponse.

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