Les fortifications de Paris
1841 – Désireux d’éviter une nouvelle invasion de Paris après le désastre de 1814, Adolphe Tiers, Ministre d’Etat décrète la construction d’une enceinte fortifiée autour de la Capitale. Des milliers d’ouvriers venus de toute la France débarquent pour commencer des travaux qui dureront quatre ans.
Organisé selon les préceptes de Vauban, l’ouvrage de 34 km de circonférence est constitué de 94 bastions surplombants un fossé de 10 mètres de profondeur et large de 40, au delà duquel s’étendait une zone non constructible d’environs 200 mètres.
Vu de dessus, l’ouvrage encerclait Paris à la façon de créneaux de châteaux fort. Rêve de général en retard d’une guerre, l’enceinte permettra tout de même de tenir les Prussiens à distance après la défaite de Sedan et le siège de Paris en 1870. Affamés au point qu’on ne trouvait plus un rat dans les rues, les parisiens capitulèrent au bout de 119 jours. L’expérience démontra que les nouvelles pièces d’artilleries à longue portée rendaient ce type de défense obsolète. Les “fortifs” furent donc plus ou moins laissées à l’abandon. Hélas, dès la fin du XIXe siècle, la crise du logement repousse une partie de la population aux portes de la Ville. Une nouvelle vie s’organise au coeur de l’enceinte, devenue le refuge d’une population d’ouvriers et de chiffonniers. La loi interdisant les constructions en “dur”, le fossé verra fleurir nombre de cabanes, roulottes et potagers.
Pour l’anecdote, cette zone entre Paris et sa banlieue abritait aussi son lot de malfrats et d'”Apaches”, d’où sa réputation sulfureuse.
L’expression “C’est la Zone…” pour désigner un lieu pas terrible vient donc de là ! Convaincues d’inutilité publique, les fortifs furent rachetées par la ville à l’armée en 1919, puis démolies au fur et à mesure au cours de la décennie suivante. Les anciens bastions cédèrent la place aux HLMs en brique rouge disposés sur les boulevards des Maréchaux. Quant à la zone “non aedificandi”, les derniers occupants furent chassés dans les années 50 pour permettre la construction du Boulevard Périphérique. On peut encore aujourd’hui trouver quelques traces de cet énorme monument disparu, si présent dans la vie des Parisiens 1900. Boulevard Poniatowski, au niveau de l’échangeur de Bercy, le Bastion 1 a été sauvé de la démolition et restauré.(photo ci dessus). Porte de Clichy, derrière l’Hotel Campanile, les Bastions 44 et 45 sont toujours là. Le fossé a été comblé depuis, mais il subsiste encore 3/4 mètres de hauteur encore visible. Je recommande aux curieux d’aller y jeter un coup d’oeil. Je suis toujours ému en contemplant ces vestiges absorbés par le gigantisme de la modernité. Témoins silencieux d’une époque révolue chantée par Fréhel, Aristide Bruant ou Damia, ces pierres oubliées nous invitent à nous pencher sur le quotidien de nos prédécesseurs, qui, hissés sur les remparts, pouvaient se targuer de posséder leur morceau de campagne.
Pour en savoir plus, je recommande vivement “Sur les traces des Enceintes de Paris” aux Editions Parigrammes. En attendant, de nombreuses photos vous attendent ci dessous, ainsi qu’un documentaire passionnant sur l’évolution de la physionomie de la bordure Parisienne, des “fortifs” au “périph”.(VOIR)
8 réponses
Paris 18 – Un drapeau sur la colline | Paris Unplugged
[…] En 1840, Paris était circonscrit par le Mur des Fermiers Généraux, frontière fiscale dont le trajet correspond aux parcours des boulevards extérieurs sur le parcours des lignes 2 et 6 du métro (voir). Cette année là, le gouvernement de Thiers décida de l’érection d’une enceinte fortifiée destinée à protéger la capitale. Située bien au delà du mur, l’ouvrage coupait les communes limitrophes en deux.(voir) […]
1868 – La Gare de Ménilmontant | Paris Unplugged
[…] suivante, cette petite ceinture (voir) devait aussi faciliter le ravitaillement des fortifications (voir) en homme et matériel en cas de siège. Inaugurée l’année suivante, cette petite ceinture […]
Sylvie
Merci de toutes ces informations très intéressantes sur les “fortifs”. Le mot “Porte” prend tout son sens quand on voit ces cartes postales. Paris a vraiment beaucoup changé ! Notre Paris n’a plus grand chose à voir avec celui des grands-parents de nos parents ou grands-parents…
Franck ANDRIEU
Merci pour ce bel album !
Concernant la zone, celle-ci n’a fait que se déplacer, comme le montre cet intéressant reportage de 1963 :
http://www.ina.fr/video/AFE85009790/ces-miserables-cites-qu-on-nomme-bidonvilles-video.html
Franck ANDRIEU
J’avais par ailleurs moi-même fait un album photo sur le sujet que vous trouverez ici :
https://www.facebook.com/franck.andrieu.3/media_set?set=a.1884107337012.2107293.1071227683&type=3
Oui, c’est un album Facebook, mais il est en accès public avec ce lien. Les explications sont dans les commentaires en bas d’album.
Thierry FONTAINE
Bonjour,
et merci pour ce fabuleux site sur Paris (ce n’est pas le seul).
“Au bord de Paris” est l’un des documentaires les plus intéressants sur le sujet.
Précis, concis, il explique parfaitement le pourquoi des fortifs et le pourquoi de leur disparition,
Depuis 170 ans, finalement,on est allés d’erreur en erreur, au gré des pulsions paranoïaques et mégalomaniaques de nos dirigeants, qu’ils soient de droite ou de gauche d’ailleurs…
Le point commun: la misère. Misère de la guerre, misère de la Commune, misère de la zone, misère du périphérique.
Ce film a déjà 20 ans, mais rien n’a fondamentalement changé, Paris est toujours corsetée d’une manière ou d’une autre.
Le fameux Grand Paris n’existera que si on rase le périph, ou il ne sera qu’une vision de politiciens.
Sig
Magnifique iconographie et un article précis ! J’ai retrouvé la porte d’Allemagne !
Jean-Yves P.
La Ville de Paris réinvente les fortifications avec sa zone d’exclusion des voitures pas neuves, baptisée Zone de Circulation Restreinte, puis Zone à Faible Emission (seule l’appellation est moins stigmatisante)
Quant à raser le périphérique, il conviendra de travailler sur l’approvisionnement des commerces de la ville… vaste programme